Image d'entête de l'article

Stéphanie Y. Fischer, fille amère

Bonjour Stéphanie comment allez-vous ?

 

De mieux en mieux, merci !

Cependant, il reste difficile de vivre au quotidien avec une maladie invisible (état de stress post-traumatique).

Je dois beaucoup à mon ami et aux thérapeutes ! Ils m’ont sauvée d’une mort certaine. De fait, je devrais parler de la mort au pluriel ! Il y a différents types de morts pour les personnes maltraitées qui n’ont pas pu être considérées et soignées...

 

 

4 mots qui vous décrivent le mieux …

 

Détermination, résilience, reconnaissance, Vie (avec un «V» majuscule !)

 

 

Tout d’abord, parlez-nous de votre nouveau livre « Fille amère » qui vient de paraître

 

Ce livre traite de l’abandon et des violences maternels.

Dans « Fille amère », je m’adresse à ma génitrice mais aussi à toutes celles qui lui ressemblent, à la société et à mes semblables.

J’aborde le tabou des violences intrafamiliales sous l’angle de leurs conséquences. Si le monde prend pleinement conscience de l’impact de la maltraitance, il lui deviendra plus difficile d’ignorer les crimes qui en sont la cause. On peut l’espérer...

Lorsque le lien mère-fille n’est pas une évidence, comment se construire quand même ? Survit-on aux violences maternelles, dont la pire pour l’auteur demeure l’abandon ? Enfanter et devenir parent à son tour reste-t-il possible ? Où commence et où s’arrête la responsabilité de ces mères ?Lorsque le lien mère-fille n’est pas une évidence, comment se construire quand même ? Survit-on aux violences maternelles, dont la pire pour l’auteur demeure l’abandon ? Enfanter et devenir parent à son tour reste-t-il possible ? Où commence et où s’arrête la responsabilité de ces mères ?Il ne s’agit pas de culpabiliser les mères qui abandonnent et/ou maltraitent leurs enfants, mais de comprendre ce qui les pousse à un acte aussi dramatique. La réponse se trouve souvent dans leur propre vécu. Ces femmes maltraitantes ont presque toujours un passé de victime que personne n’a entendu ni pansé. Il est primordial de considérer et prendre en charge adéquatement les victimes, afin d’éviter que la maltraitance se perpétue.

Cependant, il est important de souligner que tous les enfants maltraités ne deviennent pas des parents maltraitants.

 

 Pourquoi aborder ce thème-là précisément ?

 

Parce qu’il a directement impacté ma vie et aurait pu me la coûter ! Si les souffrances de ma mère avaient été considérées, nos vies auraient été différentes. Je tiens à ce que d’autres soient épargnés.

Le nombre inouï de témoignages que je reçois de victimes ont achevé de me convaincre de la nécessité d’en parler.

L’évolution des mentalités et une meilleure prise en charge et en considération des victimes est une urgence de santé publique ! Une nécessité absolue, afin de mettre un terme à l’engrenage de souffrances encore trop souvent réservé aux victimes.

 

C’est difficile de dévoiler une part de votre enfance aux yeux de tous ?

 

Pas vraiment. J’ai porté durant des années une culpabilité et un sentiment de honte à la place de mes agresseurs, jusqu’à en tomber malade.

La maladie a été l’injustice de trop ! Elle est devenue le moteur de mon combat. Je ne me tairai plus jamais ! Le silence tue et j’ai l’intention de Vivre. S’exprimer c’est aussi ne pas cautionner l’inacceptable ! Il ne faut pas laisser s’installer l’idée que les maltraitances intrafamiliales n’existent pas où sont des cas isolés. Seulement, avant de pousser les victimes à parler, il faut donner les moyens à ces personnes terrifiées de le faire ! Elles doivent être accompagnées sur le long terme !

Ce n’est pas tant la description de mon enfance que je souhaite mettre en avant, mais davantage ce qu’elle implique sur mon parcours de vie.

Les conséquences sont nombreuses pour un enfant qui doit se débrouiller seul avec ses traumatismes : dépression, syndrome de stress post-traumatique, fibromyalgie, addiction, suicide, répétition de la maltraitance, échec scolaire, échec affectif, prise ou perte de poids, (je m’arrête ici).

 

Quelle a été la difficulté majeure (s’il y en a eu) pour écrire ce livre ?

 

La rédaction était plutôt libératrice.

Par contre, il est extrêmement compliqué de trouver du soutien pour porter un livre comme celui-ci.

La société reste dans la méfiance, dans la peur, dans le déni face à tout ce qui symbolise les violences (sexuelles, psychologiques, physiques).

L’évolution des mentalités se fait lentement ! C’est regrettable voire criminel, car la parole des victimes ne peut que faiblement se libérer face à une société qui n’est pas prête à l’accueillir. J’espère vivre suffisamment longtemps pour être témoin de changements significatifs. Merci aux courageuses personnes et associations qui luttent en ce sens (souvent bénévolement) !

Heureusement, les premiers retours positifs des lecteurs sont arrivés. C’est la récompense que j’espérais, car il n’a pas été facile de mener ce projet à bien.

 

 

Comment venir en aide aux victimes ?

 

Si l’entourage des victimes ne peut pas toujours éviter le premier coup, il peut éviter d’en asséner un deuxième ! Par de simples mots, en partageant sa révolte, il peut modifier la représentation que la victime aura de son trauma et l’impact de celui-ci sur la suite de sa vie. En la soutenant, et non en la culpabilisant pour échapper à une réalité trop violente. Le déni de l’entourage est une réaction malheureusement courante. C’est à la fois une réaction humaine et inhumaine. Mais c’est un nouveau coup insoutenable pour une victime ; j’aimerais que la société le comprenne...

Une victime a besoin d’être reconnue comme telle, avant de pouvoir dépasser son statut de victime. Hors, on lui refuse souvent cette condition nécessaire à sa guérison (en étouffant sa parole et en l’empressant d’aller de l’avant, par exemple). L’entourage (qui veut souvent bien faire) a hâte de tourner la page de l’horreur. Il ne mesure pas toujours le temps et l’amour dont la victime a besoin pour surmonter le séisme qu’elle traverse. Elle en est la première désolée...

Nous pouvons agir ! Si l’entourage des victimes ne peut pas toujours éviter le premier coup, il peut éviter d’en asséner un deuxième ! Par de simples mots, il peut modifier la représentation que la victime aura de son trauma et l’impact de celui-ci sur la suite de sa vie. En la soutenant, et non en la culpabilisant pour échapper à une réalité trop violente.
Le déni de l’entourage est une réponse malheureusement courante. C’est à la fois une réaction humaine et inhumaine. Mais elle est insupportable pour la victime et les répercussions sur son existence sont infinies !

 

L’élément déclencheur qui vous a donné envie d’écrire

 

Ma détresse (la souffrance, l’impuissance, l’injustice, la colère, la bassesse, la lâcheté humaine,...)

L’écriture donne un sens à ma vie et me permet d’exprimer sans vulgarité tout ce qui gronde en moi - et il y en a du vacarme -, d’en faire quelque chose d’utile.

 

L’écrivain que vous rêvez de rencontrer

 

Les écrivains empreints d’humanité, de générosité, d’humour (très important l’humour !).

Et de préférence autour d’un bon repas (rire) !

 

 

Le sujet que vous allez traiter dans votre prochain livre...

                              

Un sujet extérieur à la souffrance. Je ne peux plus être en permanence en contact avec l’horreur. Mon état de stress post-traumatique m’y contraint déjà suffisamment.

Me tourner vers la Vie et ce qu’elle a de beau à offrir est nécessaire, si je veux pouvoir continuer à apporter de l’aide aux personnes en souffrance.

Peut-être un livre pour enfant... Il serait chargé de couleurs et de cette Vie que j’aime malgré tout !

 

3 vœux à réaliser :

 

J’offre ces trois vœux aux nombreuses victimes qui me confient leurs maux et m’honorent de leur confiance.

Moi, j’ai déjà été entendue !

 

Merci beaucoup Stéphanie Y. Fischer d’avoir répondu à mes questions. Je vous souhaite une belle continuation !

 Crédit photo : Stéphanie Fischer 

 

 

 

 

 

Partager: