
La littérature au féminin avec Marie-Claire Gross
Bonjour Marie-Claire comment allez-vous ?
Bien merci. Et vous ?
Est-ce l’écriture qui est venue vers vous ou est-ce l’inverse ?
L’écriture est d’abord venue à moi avec la lecture, celle de Bille, Baudelaire et Trackl. J’aime les mots qui murmurent comme « schüchtern » (= timide), claquent comme « cogne », volent comme « libellule » ou sont insolites et inventés comme « Alleluiazwiebel » pour désigner un chignon décoiffé ... En 2012, je suis allée à la rencontre de l’écriture à l’Institut littéraire de Bienne. Depuis, je participe à des ateliers et j’en anime aussi.
Le premier livre que vous ayez lu…
« Le conte de la Marguerite »... Une petite fleur quitte sa maison pour retrouver le mouton qui lui a brouté deux feuilles. Elle traverse Gloudouglou le ruisseau, voyage par delà les prés, fait toutes sortes de rencontres, se brûle les pieds et doit gravir une montagne...
L’endroit idéal pour se mettre à écrire…
Un lieu que je garde secret où je me rends le soir. Quand j’y vais en voiture, « Bleu pétrole» de Bashung ou « Everything has changed » d’Hemlock Smith résonne à fond dans l’habitacle, avant le silence dans l’immeuble déserté. Là, je m’installe à l’établi, je tricote et bidouille avec les phrases et les mots.
Si je vous dis voyage vous me dites ?
Le Proche-Orient et le Léman de Soraya, l’antihéroïne de « Relier les rives »... Les nomades obligés d’aujourd’hui qui viennent de Syrie, d’Ethiopie et d’ailleurs : leurs périples périlleux sans chez soi stable au bout... L’ailleurs ici, où rencontrer l’autre lors de repas partagés dans une maison de quartier ou une fête multiculturelle.
L’auteur le plus en vogue, le plus talentueux selon vous c’est qui ?
J’ai de la peine avec les superlatifs ! « En vogue » : il n’y qu’à voir le hit-parade des ventes. Et « talentueux » ? Je pense à Matthias Eynard. Son ouvrage « Boussole » recèle tant sur les liens entre Orient et Occcident, sur Alep, Vienne et Istanbul...
Seule sur une île déserte, vous emportez un de vos livres ou un autre ?
Sans hésiter, « Le Poisson-scorpion » de Nicolas Bouvier : un texte ciselé, un pétard d’humour au-delà la noirceur. Ses portraits cocasses et humains, l’autodérision de « ce pauvre petit lettreux baisé par les Tropiques » et la renaissance finale... J’y reviens sans cesse.
Les premiers lecteurs de Marie-Claire sont …
Pendant le temps d’écriture, Blaise Hofmann, mon mentor, et Christine, ma cousine. Puis, « Relier les rives » fini, les proches de la personne qui m’a inspiré cette histoire, l’homme qui partage ma vie et mes très proches.
Votre premier souvenir en tant qu’auteur…
Palper, humer, feuilleter l’objet livre chez Bernard Campiche à Orbe et prendre la mesure de cette matérialité heureuse. Par la suite, au Salon du livre de Genève, un échange intense et intime avec Eliane Bouvier, veuve de Nicolas. Une opportunité pour lui dire ma dette à l’égard de son mari.
Ce qui vous inspire pour l’écriture d’un livre ?
Le réel. Le quotidien. La voix, l’attitude, la vie des gens. Un détail de ce que je vois d’eux. J’aime me poser sur une terrasse et regarder.
Le livre qui fait (selon vous) le plus polémique ces derniers temps …
Joker...
Le meilleur livre de tous les temps est signé ?
Joker encore ...
En ce moment vous lisez quoi ?
« Freedom » de Jonathan Franzen avant un premier voyage aux Etats-Unis.
Quel est selon vous votre meilleur ouvrage ?
Le prochain...
Question piège ou pas : y-a-t-il une sorte de compétition-concurrence entre vos confrères et vous ou pas ?
De mon point de vue, il n’y a pas de concurrrence mais une jolie stimulation. Vrai qu’on espère être publié et que ça se fait ou pas. J’ai eu la chance de partager cette joie avec mes amis de plume, parmi lesquels Olivier Pitteloud dont le premier roman, « Dans l’ombre de l’absente » est sorti à l’Âge d’Homme ce printemps. Très beau.
Si je vous dis évasion vous me répondez…
Une sieste sur le canapé, une balade en raquettes au col du Madzé sur les hauteurs de Morgins, un vin rouge en bonne compagnie, ...
Si vous n’étiez pas écrivain vous seriez …
Tout ce que je suis aussi : femme, amoureuse, mère, fille, soeur, amie, marraine, enseignante, proche, vivante, vibrante, curieuse, lectrice, voyageuse, voisine, ... ! Pourquoi choisir ?
Que peut-on vous souhaiter aujourd’hui ?
De continuer à jongler joyeusement avec mes vies, avec les mots ; de continuer à éprouver les liens et l’instant présent intensément, en toute joie.
Merci beaucoup Marie-Claire pour cette interview, je vous souhaite une belle continuation littéraire.
Crédit photo : Célia Berdoz