L'univers poétique de Benoit d'Afrique
Bonjour Benoit comment allez-vous ?
Ivre mais calme
Parlez-nous de vous, qui est Benoit d’Afrique ?
Une imagination enthousiaste passionnée d’écriture, par ailleurs Benoit est aussi cette âme sensible et foncièrement poétique qui cherche un peu de réconfort au creux de ses mots fendillés. Benoit d’Afrique n’est qu’un rêveur dont son véritable talent demeure dans sa faculté de transmettre au lecteur ses songes, la banalité de son quotidien et de quelques brins de ses expériences qui fut tantôt grises tantôt roses.
Parlez-nous de votre recueil de poèmes « L’enfant n’est pas mort »
« L’enfant n’est pas mort » est la clef de mon univers poétique dont la thématique vacille entre une puissance de charge lyrisme tantôt tragique, tantôt intimiste, nourri de spleen et de solitude. Chaque mot du texte charrie une tristesse rongeante et aiguë, trouant le cœur et l’âme. C’est un recueil de poèmes de haute facture littéraire où la créativité et
L’originalité s’interpénètrent au point de se confondre. L’œuvre est
Littéralement vécue dans l’action et l’expérience, qui à leur tour
Déshabillent la mort. Le texte relate une profonde réflexion de
mon « Moi » et sur l’état de ma personne après le départ éternel de ma
douce mère, le sens de la vie, et surtout sa place étant qu’amant de
vers. Le texte témoigne mes préoccupations criantes
lequel s’agrippe à ma bravoure pour tenir la tête toujours haute. Un texte où le courage se dispute à la faiblesse. Et qui regorge d’information sur la mort.
Extrait
Entre le ciel et la terre
Je déplie sereinement ma cigarette
Je répands son tabac dans ma pipe, car y en avait plus,
Je salue le ciel et la terre ainsi que les trois autres éléments.
Je fais le signe de la croix, je bois une gorgée de café fielleux
Et là, je commence à fumer
Je fume comme une hutte vielle et desséchée qui est en feu
J'enlace l’espoir et je commence à pousser ma vie,
Ma fausse paix et mon faux bonheur en fumée assombrie
Qui fuie de ma bouche ainsi de mon nez.
Ensuite, je prends ma plume et mon calepin
Et je commence à écrire l’oraison funèbre de ma mère,
« Où est passée cette femme aux cheveux crépus,
Bouche dorée, peau d'ébène
Qui me faisait à manger matin et soir ?
Celle qui depuis mon enfance
Surveillait au repos de mes jours,
Celle qui me disait :
_Fils, ta route est ma route,
Tes maux sont les miens,
Et n'oublie jamais, t'entends, jamais qui tu es
Et que la personne que tu es aujourd'hui
C'est grâce à moi, tout le respect, toutes ces considérations
Ou encore toutes ces attentions qu'on te donne aujourd'hui
C’est uniquement parce que je suis encore en vie.
Où est passée ma mère ?
Cette femme qui vivait dans la bienfaisance et dans la serviabilité
Qui n'existait que pour chérir,
Qui aimait son fils plus que tout au monde
Et qu’elle même,
Où est passée cette femme qui régnait dans la générosité
Et qui aimait la vie ?
Où est passée cette mère, cette jeune maman, ma mère
Qui, dans sa bonté infinie, prenait le plaisir de restée nue ou
Affamée
Pour faire de l’aumône avec ses habits neufs
Ou des subsistances en réservoir ?
Et dont le regard nous dorlote
À l'instant qu'elle formulait une dernière fois
Le nom de son unique fils à savoir qu’elle va trépasser dans les
Prochaines minutes.
Où est-elle ?
Où est ma mère ?
Vous écrivez des poèmes j’ai vu. A vous de nous prouver que vous savez le faire :
« A force de se vanter on va sans doute finir par être en concurrence avec le vent », par ailleurs je n’ai pas à prouver ou démontrer quoique ce soit, la poésie est loin d’être une démonstration, j’ai été malheureusement courtisé par la Dame muse dès mon plus jeune âge et je peux dire que j’ai connu ses deux facettes, la douleur comme l’Amour, pour conclure je peux dire que j’ai été choisi par la poésie, elle est devenue mon principal passe-temps. S’il y a quoique ce soit à prouver ou démontrer, c’est d’essayer de résister et de perpétuer à défier cette vie sans vie quotidiennement dans les marges de mon existence assombrie.
Quelles sont les sources de vos inspirations ?
Lire, observer, c’est la porte ouverte à la création. Les livres sont importants, j’aime tout lire, si c’est bien transcrit. Mais observer autour de soi, observer les gens, la vie, c’est aussi une étonnante source d’inspiration, le bruit des vagues, le ressac, c’est encore de l’inspiration. Mon inspiration a aussi été tirée dans les obstacles auquel j’ai été confronté et qui me paraissaient indomptables parce qu’ils se réitéraient sans jamais se résoudre.
Je vous propose d’écrire un livre à 10 mains. Avec qui le feriez-vous ?
Mon humble ami-poète Makenzy Orcel.
Terre connue, terrain connu, ou terre inconnue ?
Terre inconnue, car J’aime, en littérature comme dans la vie, aller sillonner ce que je ne connais pas ; découvrir des auteurs, des gens, des pays. Comme l’a si bien dit Dany Laferrière « Ecrire c’est voyager »
Beauté ou avoir ?
Beauté
Rêve ou réalité ?
Réalité.
Le plus beau livre que vous ayez lu dans votre vie.
Le livre de ma mère de Albert Cohen
En tant qu’écrivain comment vous voyez le monde d’aujourd’hui ? On sait qu’il n’est pas tout rose mais comment vous vous le percevez ?
Je voudrais bien le percevoir nettement, mais les représentations dont on m'immerge n’en font que rouiller la vision. Par ailleurs je pense qu’il faut hasarder par l’écriture, d’éplucher la perception du monde pour mettre à jour le rayonnage natal.
Paris, New-York ou Cuba?
Paris
Si votre vie était un titre de livre, ça serait lequel ?
Ça serait « Pourquoi ? »
Une vie sans livres c’est comme … une vie sans vie
Est-ce que vous rêvez d’un prix Goncourt ou pas forcément ?
Bien sûr (rire)
Le livre que vous pourriez lire encore une fois.
Il y en a déjà trop que je voudrais relire et je suis inopportunément en carence de temps.
Le premier mot qui vous vient à l’esprit là maintenant ?
Whisky
De quoi parlera votre prochain recueil ?
Je me pose cette question tous les jours, assurément d’autres obsessions
J’ai été ravie de vous interviewer, je vous pose une dernière question : quelle est votre définition du bonheur ?
Paix et tranquillité, voilà le bonheur
Je vous laisse le mot de la fin Benoît
Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Je vous remercie également pour vos questions et pour votre intérêt.
Merci beaucoup et belle continuation littéraire.
Ci-joint un autre extrait du recueil de l’enfant n’est pas mort
Une lettre à ma mère
Chère mère,
Ton humble fils t’écrit
Sous l'impulsion de la nuit,
Les mains fragiles, le cœur en chamade
Corps gelé, fatigué du décalage.
Je me dépêche de t'écrire
Car mon âme crie pitié
Grelottant sous le froid des Champs-Elysées.
Je cherche un peu de chaleur
Auprès de la flamme des nouvelles de toi.
Dis-moi mère,
Comment vont mes amis du quartier ?
De mon côté, j'affronte ;
Je balaie toutes limites.
Le pragmatisme me consume nuit et jour.
Du coup, la maturité me sert de couette
Comme réconfort à ma solitude.
En gros, ton fils va bien.
Je voulais que tu saches, tendre mère
Que mes premiers jours dans cette ville étrangère
M’ont vu trimbaler de maison en maison.
Mais vues ta bonté et tes sacrées prières,
Dieu mit sur mon chemin
Une femme du nom de Rose Berling
Elle est une amie, une confidente, une autre mère.
Elle est sans nul doute de la famille Boncoeur.
J'habite sa maison. Je n’ai plus donc peur.
Chère mère,
Depuis tout petit je rêvais d'imiter le temps
Épousant son humeur frivole et son flanc perfide
Sans souci des blessures qu'il laissait derrière lui.
Avant mon grand périple, je jurais de brûler mes désirs
Avec désinvolture, ne visant que mon avenir.
Aujourd'hui me voilà,
Au bord de la rive qui lèche la tour Eiffel
Étincelle en main, mes ambitions en liesse
Timidement, je les découvre au gré de ma jeunesse.
Chère mère, comme assuré,
Le "P'tit-nègre aux cheveux bouclés"
Commence à se faire un nom.
On le dénomme « poète » pour de bon
Sous le charme de son vibrant verbe
Assoiffé de ses vers qui captivent.
À travers mes écrits,
Haïti, après sept ans, de plus belle revit.
La perle qu'elle fût inonde ma poésie
Qui, du coup, épate les Français ahuris.
Pourtant mon être demeure indifférent
Tant d'attention alliée à l'éclat de Paris
N’ont pu exiler le vide de ton absence.
Même l'écho de l'Opéra d'Italie
N’arrive à évincer les souvenirs de tes câlins.
Pendant longtemps j'étais convaincu
Que ma plume serait mon fidèle bouclier
Contre les ombres de ce monde.
Mais aujourd'hui cœur de Paris, sourire à l'Italie,
Ma force ne se puise qu’à la ferveur de ta tendresse.
Chère mère, tu avais raison de me dire qu'à la rue des miracles
résidaient les habitants de la rue de l'enterrement, je ne sais pas si
tu parabolisais mais Paris aussi héberge ceux de la ville de l'espoir
enivré. Tu avais complètement raison de vouloir me séparer de ma
plume, qui maintenant fait de moi un errant voyant, me
transforme en un arc-en-ciel de mille couleurs, qui fait me porter
les soucis de ce monde dans mes veines. Depuis ce quatorze
novembre l'odeur de ma terre hante ma joie, car j'ai laissé mon
sourire à l'horizon des pas perdus.
Mère, tu n'avais pas tort de me choyer autant, car maintenant je
m'accroche à tes caprices pour consoler mes larmes d'âme exilée.
Si Vigie n'était pas mineure, je l'inviterais dans mon cœur qui à
présent neige de la solitude dans mon thé de poète. Après tout, la
mer elle-même ne saurait se changer en oiseau. De ce fait, je
continue ma quête en m'enveloppant de tes câlins espérés.
Je t’aime !