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L'univers poétique de Baptiste Gaillard

Bonjour Baptiste comment allez-vous ?

 

Merci, je vais bien.

 

Parlez-nous de votre livre poétique si bien écrit « Un domaine des corpuscules”

Une manière pour moi de décrire ce livre, c'est de parler de la manière dont il a été écrit. Le texte en cours d'élaboration était un matériel soumis à des forces, subissant des gonflements et des réductions, des coupes et des assemblages. Les motifs dont il est question, matières, bâtiments, infrastructures, géographies, sont aussi soumis à ce régime du mélange. Il y a maintenant environ 80 textes dans ce livre, qui d'une certaine manière peuvent être compris comme des textes autonomes, mais qui en même temps s'articulent discrètement pour former un tout cohérent, avec un début et une fin, traversé par des jeux d'échos et de résonances. 

 

Où avez-vous trouvé l’inspiration pour ce recueil de poèmes. C’est le reflet de la vie actuelle ou même pas ?

 

Ou même pas? (rire) Difficile de dire avec précision dans quelle mesure ce livre est un reflet de la vie actuelle. Il s'agit effectivement de notes et d'observations quotidiennes, qui sont ensuite développées, reprises, transformées pour aboutir au texte final. Je prends beaucoup de temps pour écrire, il y a donc une certaine distance entre l'impulsion d'origine et le résultat final. La question peut se poser à plusieurs niveaux : les motifs traités font lointainement écho à des éléments du quotidien, l'écriture et la grammaire ont aussi quelque chose à dire du monde.

 

Un livre à 4 mains c’est tentant ou jamais de la vie ? 

 

L'exemple de Deleuze et Guattari me vient tout de suite en tête, et c'est un travail qui m'intéresse beaucoup. Je ne peux donc pas dire “jamais de la vie” à une écriture à 4 mains. Pour l'instant, je suis habitué à croire que je tiens moi-même, de bout-en-bout, ce travail de condensation et de distillation, alors que je ne suis pas un seul, qu'il y a du mouvement en moi, que je change, et que le texte n'est pas le fruit d'une seule instance homogène. Écrire à quatre main me semble donc assez logique. Mais pour que ça devienne une réalité physique, il faut que ça réponde à une nécessité. Il faut une rencontre ou une occasion particulière, de sorte qu'il ne s'agisse pas d'une division du travail, mais d'une multiplication des désirs.

 

Quand vous avez écrit Un domaine des corpuscules, il y a eu à un moment donné une trouille de le présenter au public ou pas ?

 

Pas vraiment. Il y a bien sûr des phases de doute, à n'importe quel moment du travail. Mais de la trouille, c'est un peu trop fort. Et c'est un mot qui pour moi a un sens qui le rend hors de propos.

 

Le premier livre que vous avez eu dans vos mains, vous vous en souvenez ?

 

Ce sont sans doute des bandes dessinées. J'ai appris à lire avec Lucky Luck. J'ai passé beaucoup de temps à traverser ces histoires. Tintin, Black et Mortimer, Gaston. Il y a aussi eu les livres pour enfants. Par exemple le Grand livre des gnomes, ou Max et les Maximonstres. Plus tard, mon grand-père avait un ou deux manuels d'histoire qui m'ont fasciné.

 

Le livre que vous pouvez relire encore une fois …

 

Je crois que je relis presque tous les livres qui m'ont intéressé, pas en entier, mais par bouts. C'est une pratique de la lecture qui me convient bien. Les livres sont comme des boites à outils. J'aime passer du temps devant ma bibliothèque, passer d'un livre à un autre, trouver des liens inédits, me rappeler de phrases, de réflexions ou d'histoires qui m'avaient marquées, et en éprouver l'actualité. Parfois, il s'agit de retours très brefs, et parfois, un livre m'occupe à nouveau longtemps.

 

Celui que vous avez détesté lire durant votre adolescence, genre un supplice de lire ce livre

 

Au risque de vous décevoir, je n'ai pas le souvenir d'avoir détesté un livre à ce point. Je n'étais pas un dévoreur compulsif de livres, mais jamais un livre ne m'a semblé à ce point désagréable. Je crois que je reconnaissais leur aptitude à proposer autre chose, sans rien imposer. J'étais relativement introverti, et cette catégorie d'objet me convenait bien. Si certains livres m'échappaient (et il y en avait beaucoup), ils étaient encore quelque chose : des zones reculées dans mon environnement, réservées pour une autre fois.

 

Imaginez que je vous propose de faire la préface d’un roman policier écrit par un auteur international. Ce serait qui cet auteur ?

 

Je n'en ai aucune idée. Sans doute Philip K. Dick, même s'il ne s'agit pas strictement de romans policiers.

 

Roman policier, amour, sciences, suspence ou politique

 

Si possible, un livre qui soit un peu de tout ça, mais qui échappe à chacun de ces genres.

 

De quoi parlera le prochain livre de Baptiste Gaillard ?

 

Mon prochain livre, comme les précédents, parle de la langue. Mais pas seulement. Il s'intitule Bonsaï. Ce sont de courts textes, décrivant des situations, formulant des réflexions. Chaque texte est autonome, comme une feuille, attachée à une structure centrale prenant la forme de titres qui sont en fait des extraits, transformés ou non, d'un autre livre, un manuel sur la pratique du Bonsaï. Les textes parlent de nombreuses choses, mais il se retrouvent dans une forme poétique, et lui font régulièrement écho.

 

Avec ce livre vous êtes dans la poésie, que vous maniez très bien. D’où ça vous vient ce talent poétique, j’ai bien accroché sincèrement. Pourquoi la poésie et pas une biographie ?

 

On peut mettre beaucoup de choses sous ce mot, poésie. Pour moi il s'agit d'un espace de recherche, d'expériences, de découverte et de liberté. Je n'exclue d'ailleurs pas qu'il y ait une dimension biographique dans ce texte. Je cherche à obtenir quelque chose en écrivant, quelque chose qui ne soit pas seulement pour moi.

 

L’auteur que vous admirez le plus?

 

Là encore, je ne pense pas avoir mon petit classement personnel. J'admire vraiment beaucoup d'auteurs, de critiques et de lecteurs, pour des raisons très variées. L'écriture de Larry Eigner m'impressionne beaucoup.

 

Beauté ou avoir ?

 

Faut-il choisir?

 

Une vie sans poésie c’est comme ….

 

Tout dépend de ce que l'on entend par poésie, s'il s'agit d'une forme, d'un souci, d'un genre littéraire, ou d'un supplément d'âme auprès duquel on espère se réchauffer. Je ne crois pas en ce supplément. Ce n'est pas un projet intéressant. J'attends d'un texte qu'il me confronte à certains aspects du monde. Je veux pouvoir m'en saisir, avec plus ou moins de difficulté, en exerçant ma liberté, pour inventer de nouveaux rapports.

 

Je recherche un auteur à interviewer, vous en connaissez un qui serait d’accord de répondre à mes questions ?

 

Trop souvent, les auteurs, ou plus généralement les artistes, sont considérés comme des poissons dans un vivier. Il suffit d'y plonger la main pour saisir quelque chose. Si un auteur n'est pas d'accord avec les conditions proposées, peu importe, il y en a d'autres prêts à mordre sans condition. Cette manière de penser, hors de tout rapport de nécessité, me semble problématique. Il y a une différence entre chercher un auteur à interviewer, et chercher à interviewer un auteur (mais lequel).

 

Le premier mot qui vous vient à l’esprit là maintenant tout de suite ?

 

Pour le coup, je pense au mot poisson (rire).

 

Baptiste j’ai été ravie de vous interviewer je vous laisse le mot de la fin.

 

Je n'ai pas grand chose à ajouter. Je vous remercie également pour vos questions et pour votre intérêt.

 

Merci beaucoup et belle continuation littéraire.

 

Crédit photo : ©OFC/Ladina Bischof.

 

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