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Entretien avec Vanessa Trüb et son thriller de pierre et de chair

Entretien : Vanessa Trüb pour "De pierre et de chair"

1. La Question Thématique (Le Cœur et la Pierre)

Q : Le point de départ du roman, le cœur de la victime remplacé par une pierre, est très fort et symbolique. Quelle est la signification profonde de cet acte macabre dans votre récit ? Est-ce un commentaire sur la froideur des communautés, une référence mythologique, ou un lien direct avec la nature profonde du mal que vous explorez ?

 

R : La pierre qui remplace le cœur provient d’un verset biblique dans le livre d’Ezechiel. Dans le roman, la pierre veut symboliser cette dureté humaine avec cette question abyssale et si complexe de l’origine du mal. On ne naît pas meurtrier, on le devient…Comment ? Pourquoi ?

 

2. La Question sur l'Ambiance et le Contexte

Q : Votre thriller se déroule au sein de "villages paysans" où "secrets et tabous sont pesants". Pourquoi est-ce si important pour l'ambiance et l'intrigue d'ancrer votre polar dans cette ruralité ? Le mal est-il plus suffocant ou plus insidieux lorsque les communautés sont fermées et que le passé ne passe pas ?

 

R : Le terroir est un personnage à part entière. La rudesse des lieux, sa beauté comme la qualité des liens que j’ai pu y vivre a été une source profonde d’inspiration. Il n’existe pas plus de secrets familiaux dans ces villages qu’ailleurs. Les non-dits sont tellement fréquents ! Mais c’était intéressant de les relier à ces lieux où j’ai travaillé pendant de belles années.

 

3. La Question sur l'Auteure et son Parcours

Q : Vous êtes pasteure et licenciée en théologie. On imagine que ces domaines vous confrontent souvent à la douleur, au deuil, et à la recherche de sens face à la tragédie. Comment cette expérience professionnelle unique influence-t-elle votre écriture, notamment la manière dont vous abordez les thèmes de l'injustice, de la culpabilité ou, comme le mentionne votre résumé, de la "résilience" ?

 

R : La fonction pastorale me permet d’aborder la « pâte humaine » dans sa profondeur. Je suis reconnaissante de pouvoir accompagner les étapes de vie, la question du sens, les tragédies comme les joies de personnes très diverses. C’est une chance et cela me permet d’approfondir mes réflexions comme celles sur le mal ou la résilience. C’est une influence vertueuse dans mon écriture. De plus, une jeune pasteure participe à l’enquête. Par certains dialogues entre elle et l’inspecteur principal, cela me permet d’aborder des thèmes comme le statut des Écritures, le péché, la vie éternelle, la liturgie ou bien la tradition des feux de l’Avent. J’apprécie aussi de pouvoir partager par ce biais la joie d’être pasteure ainsi qu’un éclairage sur la vie communautaire.

 

4. La Question sur les Personnages et la Mémoire

Q : Le roman évoque les "mémoires torturées" et la "mémoire traumatique". Comment l'inspecteur Nathan Redlink et son équipe naviguent-ils entre l'enquête factuelle et ces fragments de souvenirs qui ressurgissent ? Avez-vous une approche particulière pour traiter le passé comme un personnage à part entière dans un thriller ?

 

R : Dans le cadre d’études pour un certificat en thérapie familiale systémique au CHUV, il y a une quinzaine d’années, j’ai découvert l’impact des traumas transgénérationnels. C’est un enjeu de ce roman à part entière. Avec cette question sous-jacente de la prise en charge d’une parole qui se libère pour ouvrir un chemin de résilience.

 

5. La Question sur le Genre et l'Écriture

Q : De pierre et de chair est qualifié de polar, d'intrigue intense. Comment équilibrez-vous le besoin de maintenir le suspense (la mécanique du thriller) avec l'exploration plus profonde de "l'origine du mal" et des "âmes souillées" (la dimension psychologique et spirituelle) ? Y a-t-il une ligne que vous ne franchirez jamais dans l'horreur ou la description de la violence ?

 

R : Étant fan de polar, j’accorde une importance particulière à l’intrigue policière comme à la tension qu’elle peut susciter. La violence exprimée n’est jamais un prétexte mais l’expression d’une tragique réalité à laquelle notre condition humaine est toujours soumise. Elle veut au contraire mettre en relief l’inverse possible, à savoir la bienveillance, l’amour, le pardon.

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