Albert Ghiraldi :Lapis-Lazuli, l'édition passion
Le succès d'Albert Ghiraldi dans le monde de l'industrie n'est plus à prouver, mais il cache une passion moins connue, celle de l'écriture. Aujourd'hui, nous recevons Albert Ghiraldi, l'homme de lettres : l'auteur de romans tels que 'L'or des Celtes', et le fondateur des Éditions Lapis-Lazuli.
Nous allons découvrir comment il concilie cette double vie. Comment un entrepreneur navigue-t-il entre le monde pragmatique des affaires et l'univers créatif de l'édition ? Monsieur Ghiraldi, bienvenue."
Votre premier livre, Un parfum d'injustice (une histoire vraie de famille), fut un succès en tant que « test de marché » avec 300 exemplaires distribués gratuitement en 2015. Quelle est la leçon la plus importante que vous avez tirée de cette approche très entrepreneuriale du lancement d'un livre, et comment influence-t-elle la stratégie de publication et de promotion des Editions Lapis-Lazuli aujourd'hui ?
Mon premier livre, Un parfum d’injustice, je l’ai écrit pour remercier mes parents et leur dire, post-mortem, combien je les ai aimés. Je voulais aussi leur ôter le poids de la honte qu’ils ressentaient à nous expliquer les choses après leur longue période de détention en Allemagne : ce n’était pas leur faute, mais celle des gouvernements de l’époque (extrait disponible sur mon site : www.editions-lapis-lazuli.ch). Le fait d’avoir offert ces livres m’a permis de recevoir de nombreux témoignages qui m’ont confirmé que mon écriture touchait les lecteurs et qu’elle méritait d’être poursuivie. Cette expérience m’a donné la certitude que je pouvais aller plus loin en publiant d’autres ouvrages
Vous avez commencé par une histoire familiale vraie (Un parfum d'injustice) et vous vous attaquez à des événements historiques locaux (L'enquête sur l'attentat de Lucens). Quel est, selon vous, le devoir de l'auteur lorsqu'il s'agit de transformer des éléments de la vie réelle ou de l'histoire personnelle en œuvre littéraire ? Où se situe la frontière entre respect de la vérité et liberté de la fiction ?
Attention, il ne s’agit pas d’événements historiques locaux : L’enquête sur l’attentat de Lucens est une pure fiction. Cependant, j’y fais appel à mes expériences militaires et professionnelles pour donner au récit une crédibilité et une tension réaliste. Pour moi, le devoir de l’auteur, lorsqu’il s’inspire de la vie réelle ou de son histoire personnelle, est double : respecter la mémoire des faits et des personnes, tout en assumant la liberté créative nécessaire pour construire une intrigue captivante. La frontière entre vérité et fiction se situe dans l’honnêteté de la démarche : il ne s’agit pas de travestir la réalité, mais de la transformer en matière littéraire, en précisant ce qui relève du témoignage et ce qui appartient à l’imaginaire. La fiction permet d’explorer des zones que la vérité brute ne peut pas toujours éclairer, mais elle doit rester fidèle à l’esprit des faits et à la sensibilité des lecteurs.
Avec deux romans récemment sortis et deux autres annoncés pour novembre 2026, votre rythme de publication est très soutenu. Comment parvenez-vous à maintenir cette productivité élevée sans compromettre la qualité, et quelle est votre méthode pour structurer et achever des projets aussi différents que des thrillers d'action et des récits initiatiques ?
Il ne faut pas se fier aux apparences : mon rythme actuel est le résultat d’un travail de longue haleine. Par exemple, L’Or des Celtes m’a demandé quatre années d’écriture, ponctuées de lectures approfondies – de Jules César à Divico – et de nombreuses visites de musées en Suisse et à l’étranger pour garantir la précision historique. Quant à L’Attentat de Lucens, il s’appuie sur plusieurs années de réflexion et sur ma mémoire pour en extraire des éléments pertinents. Ma méthode repose sur une discipline stricte : j’écris entre quatre et cinq heures par jour, souvent la nuit, lorsque le calme absolu favorise la concentration et la créativité. Mon expérience comme officier supérieur dans le service de renseignement m’a également apporté une méthodologie rigoureuse et une capacité d’appréciation des situations, qui me permettent de tenir dans la durée et de maîtriser les informations utiles à mes livres. Cette combinaison de recherche, de discipline et d’expertise me permet de maintenir la qualité tout en avançant sur des projets très différents.
Quel a été le plus grand choc culturel en passant de la direction d'une entreprise dans le secteur très concret du béton, à l'univers plus abstrait et artistique de l'édition et de la création littéraire ? Y a-t-il un « secret de fabrication » ou une méthode de gestion de projet de l'industrie que vous avez pu appliquer avec succès au monde du livre ?
Bien sûr, ma formation technico-commerciale a joué un rôle : j’ai plusieurs brevets à mon actif et un diplôme des cours suisses de direction d’entreprise. Mais cela ne représente qu’une partie de moi. Ce qui compte vraiment dans mon activité d’écrivain, c’est la passion d’écrire et la motivation qui me pousse à aller vers l’autre, à créer du lien et à maintenir des échanges de qualité. Si je devais citer un “secret de fabrication” issu de mon expérience dans l’industrie, ce serait la rigueur dans la planification et la gestion des projets : savoir structurer, anticiper et respecter les étapes. Cette méthode, combinée à mon sens de l’organisation, me permet de transformer une idée en livre sans perdre l’élan créatif qui est au cœur de mon métier.
En tant qu'éditeur, maintenant établi aussi comme auteur publié et qui a fait ses preuves sur un « test de marché », quelle est la vision à long terme que vous portez pour les Editions Lapis-Lazuli ? Cherchez-vous à donner une voix à un type d'auteur ou à un genre littéraire précis qui résonne avec votre propre parcours et vos succès ?
C’est une excellente question. Ma vision à long terme pour les Éditions Lapis-Lazuli est, dans un premier temps, de publier mes propres ouvrages afin de consolider l’identité de la maison. Ensuite, à partir de 2028, j’ai l’ambition d’ouvrir les éditions à d’autres auteurs pour leur offrir une véritable plateforme. Je travaille également à la création d’une association qui organisera un festival du roman policier dans ma commune. Mon objectif est avant tout de valoriser et défendre ma région, la Broye, qui mérite d’être mise en lumière.
L'or des Celtes est décrit comme un roman célébrant la transmission et l'héritage celtique. Si vous deviez définir le « voyage initiatique » que vous avez personnellement entrepris depuis 2015, en jonglant entre l'industrie, l'édition et votre succès littéraire, quel en serait le point de départ et l'aboutissement principal à ce jour ?
Oui, la nature, sans hésitation. Elle a toujours été le fil conducteur de ma vie, mais depuis 2015, ce lien s’est renforcé. Mon point de départ, c’était un univers où tout allait vite : l’industrie, avec ses objectifs à atteindre, ses délais à respecter, et cette course permanente pour rester en tête. Ce monde m’a appris la rigueur et la persévérance, mais il laissait peu de place à la contemplation. Aujourd’hui, à la retraite, j’ai retrouvé ce que les Celtes savaient si bien faire : vivre en harmonie avec les éléments, respecter la terre et ses rythmes. Ce retour à l’essentiel m’a ouvert un espace de liberté où l’écriture est devenue mon compagnon de route. Elle n’est pas seulement un hobby, mais une passion qui me permet de transmettre, de créer et de partager. Mon aboutissement ? C’est cette capacité à choisir, à savourer chaque instant, à croquer la vie à pleines dents. Passer de la solidité du béton à la fluidité des mots, c’est un voyage initiatique qui m’a appris que la vraie richesse se trouve dans la nature, la créativité et les liens humains.